Hacker la ville

La place du jeu dans la transformation urbaine

Nous sommes dans une période d’exploration de voies alternatives de fabrication de la ville, motivés par de successives crises urbaines et par le constat que certains des modèles de développement urbain récents n’ont pas réussi à produire des résultats satisfaisants. Cette recherche de nouveaux modes de fabrication de la ville nous amène à repenser nos modes de vie et à revoir les modalités d’intervention urbaine.

L’application des notions de “réutilisation” et de “recyclage” au processus de fabrication de la ville, favorise une approche “douce” ou “sensible” de l’urbanisme. Une transformation progressive de la ville, à différence des grandes opérations d’aménagement urbain, permet de mettre en valeur le tissu urbain existant et de renforcer les interactions qui s’y produisent.

L’urbanisme tactique en est un bon exemple. À partir de micro-interventions, les espaces urbains s’activent : des nouveaux usages apparaissent et les lieux deviennent plus animés. Par ailleurs, les projets urbains à petite échelle s’adaptent mieux à une gestion agile et itérative, permettant ainsi de mobiliser l’intelligence collective. Cette approche met en valeur les initiatives citoyennes, qui sont désormais perçues comme étant légitimes, comme le manifeste le “permis de végétaliser” promu par la Ville de Paris.

Le collectif en tant qu’acteur


La légitimation des initiatives citoyennes invite à la considération des citoyens en tant qu’acteurs politiques. Pourtant, il existent certaines résistances à cette conception. La notion de communauté a été longtemps mise à cotée face à une vision des rapports sociaux basée sur la dichotomie individu-État. Mettre l’accent sur la liberté et l’indépendance individuelle rend difficile la reconnaissance du rôle du collectif dans la construction sociale.

Aujourd’hui nous observons une revalorisation de la notion de communauté. Dans “Un mundo común”, Marina Garcés revendique le collectif et la communauté en tant qu’éléments de base des relations humaines. Elle redéfinit la notion de “nous” en considérant que les individus forment une continuité, soudée par des liens d’interdépendance et de solidarité.
 De son côté, dans l’Art Journal de 2001, Saskia Sassen évoque “un nouveau type de politique centrée sur des nouveaux types d’acteurs politiques”. Elle reconnaît les initiatives citoyenne comme étant l’une des modes d’action politique possibles.

L’idée dont le corps intermédiaire du collectif serait un acteur à inclure dans la prise de décisions concernant la ville semble cohérente, spécialement dans un contexte où la proximité des réalités de terrain est essentielle. La mise en valeur des acteurs citoyens ouvre, ainsi, des nouveaux scénarios de complémentarité avec les acteurs publics.

Les clés de la transition


Il est probable que les clés de la transition vers des modèles urbains durables se retrouvent directement sur le territoire, sous la forme de ressources à mobiliser : ressources matérielles, expériences, connaissances, collectifs informels, réseaux, etc. L’activation de ces ressources permettrait de mieux répondre aux dysfonctionnements urbains actuels et d’améliorer la qualité de vie des habitants.

Quels sont les potentiels moyens d’activation des ressources locales ?

Quels seraient les acteurs moteurs de cette transformation ?

L’une des pratiques de ces dernières années concerne la transformation de l’environnement urbain à travers l’appropriation citoyenne. Cela a permis de renforcer le rôle d’une diversité d’acteurs : citoyens engagés, collectifs d’habitants, communautés d’intérêts, associations.

Les biens communs urbains

La vision de la ville en tant que bien commun urbain réaffirme la pertinence des actions collectives visant à améliorer le cadre de vie. Les actions collectives — jardins partagés, réseaux AMAP, habitats participatifs — s’articulent grâce à des cadres de coopération et de collaboration basés sur l’engagement et la solidarité. Les collectifs qui les soutiennent génèrent ainsi des espaces de création collective et d’émancipation.

Selon Laval et Dardot dans leur livre “Commun”, le paradigme philosophique “commun” peut nous aider à penser des nouvelles façons d’action et de transformation collective du territoire.

Le droit à l’action


Le droit à l’action nous permet d’aller au-delà de la notion de liberté individuelle d’accès aux ressources existantes. Cette approche met en avant le droit d’intervenir dans la création et la transformation de notre environnement, en tant que corps collectif. Cela implique la reconnaissance de l’exercice d’un pouvoir d’agir collectif dans la configuration de nos lieux de vie.

L’action collective nécessite de cadres souples et changeants, permettant aux participants de trouver leur place. Le jeu offre, justement, un cadre informel et créatif qui facilite l’action collective.

Le jeu favorise un mode d’action fédérateur, qui active la créativité et permet une transformation collective de l’espace de manière naturelle et spontanée.

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